Haiti: Yvens Rumbold appelle les jeunes à “se préparer pour prendre la relève”.  

Like 359
Post
Image
Yvens Rumbold

Il n’est pas toujours facile pour les jeunes issus des pays pauvres comme Haïti d’apposer leurs pierres dans l’édification d’une nouvelle société tant prônée par nos contemporains. Cette semaine, je vous invite à prendre connaissance avec un jeune leader haïtien empreint de motivation.

 

1.      Peux-tu te présenter en quelques lignes?

Je suis Yvens Rumbold.J’ai fait des études en communication sociale à l'Université d'Etat d'Haïti. Je viens d’être élu au sein du Conseil d’administration du Centre de la Francophonie des Amériques pour un mandat de trois ans. Jusqu’à décembre 2015, je travaillais comme chargé de communication de la Fondation connaissance et liberté en Haïti.

 

2.      Quel a été ton parcours de jeune engagé?

C’est au Collège Immaculée Conception des Gonaïves, dirigé par les Clercs de Saint Viateur, que j’ai commencé à forger mon caractère et à dessiner ma voie. J’étais sur tous les fronts : responsable du Mouvement eucharistique des jeunes, directeur de publication  du journal du Collège, maître de cérémonie dans les soirées, coordonnateur des foires agro-culturelles du Collège, animateur à la Radio Antenne Continentale des Gonaïves. J’ai aussi eu la chance de représenter mon collège à deux éditions du Concours national de dictée à Jacmel et le pays à deux éditions de la Dictée des Amériques du Québec.

 

3.      Quel est ton plus grand défi dans la vie ?

Sur un plan personnel, depuis le tremblement de terre de janvier 2010, je me suis rendu compte que je suis devenu procrastinateur (quelqu’un qui a tendance à remettre ses travaux au lendemain). C’est qu’il y a tant à faire en Haïti et tellement d’opportunités à saisir ! Je me bats toujours pour une gestion plus efficace de mon temps.

Sur un plan collectif : fédérer des associations de jeunes du pays pour qu’ils soient porteurs d’actions novatrices et transformatrices. Sachant que plus de la moitié de la population  en Haïti est âgée de moins de 21 ans, environ 30% est âgée de 15 à 25 ans, et si on y ajoute les 25-35 ans,  nous avons une population jeune prête à être mobilisée, à se préparer pour le Haiti dont nous rêvons.

 

4.      Quelle est ta plus grande passion?

C’est drôle…je ne sais pas. Elle a tellement évolué avec le temps…Du coup, elle est à la fois tout cela : lire, écrire, voyager, apprendre, écouter de la musique et animer une émission de radio. En fait, tant que je fais quelque chose que j’aime, j’aurais aimé pouvoir le faire sans interruption. Il y a des soirs où c’est l’envie de lire un bouquin du début jusqu’à la fin. D’autres soirs, c’est écrire en toute solitude. Pour 2016, je vais reprendre mes études et passer en revue mes objectifs afin de renouer avec mes passions et peut-être découvrirai-je la plus grande. 

 

5.      Comment peux-tu décrire ton projet de vie ?

Waouh ! Quelle question ! Au-delà du fait qu’un projet de vie est personnel, la personne doit définir ce qu’elle veut faire, comment, quand, se faire une vision des objectifs à atteindre etc. C’est une question à laquelle je ne veux pas répondre abondamment, mais juste dire ceci : hormis des projets classiques, ce qui m’importe le plus c’est de pouvoir contribuer à relever des défis majeurs en Haïti.

 

6.      D’après toi, quel est le plus grand problème auquel les jeunes haïtiens doivent faire face ?

Le manque d’une éducation de qualité à travers le pays. Tant qu’on n’arrive pas à former une génération de jeunes capables de mieux connaître l’histoire de leur pays, nous sommes voués à des éternelles déceptions ! Et, je ne parle pas d’une éducation à deux niveaux, où les plus aisés sont les mieux formés et les pauvres bénéficient d’une éducation au rabais. Il faut qu’on arrive en tant que peuple à définir un projet de société, à former des jeunes dans tous les niveaux du savoir comme l’ont fait les Chinois dans un temps record.

 

7.      Selon toi, quelle est la particularité de la culture haïtienne ?

Sans tomber dans un ethnocentrisme culturel, Haïti a une culture unique et une originalité remarquable dans la production artistique. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est qu’à défaut de gros moyens de production, l’haïtien créera toujours quelque chose avec ce qu’il trouve : prenez l’art du fer découpé, prenez le rara(un deuxième carnaval pendant la période pascale), le vodou et ses produits dérivés…la musique et la cuisine…

 

8.      Comment concois-tu la réalité haïtienne dans dix (10) ans ?

Pour ne pas tomber dans un défaitisme – car les hommes politiques de ce pays réussissent mieux à nous l’inculquer qu’à nous vendre des rêves, je préfère formuler des vœux pour les dix prochaines années : celui de nous voir enfin entrer dans une réelle transition démocratique. Aujourd’hui, les efforts qui se font dans le tourisme et l’éducation peuvent être sapés par des politiciens qui se battent pour le pouvoir.

 

9.      En quelques lignes, quelle serait ta contribution pour un changement dans notre société ?

Avec l’Association Tonnelle Action, nous rencontrons des jeunes lors de nos activités pour les motiver à participer à leur propre éducation. Avec l’Association haïtienne des journalistes de l’information sociale, notre rêve est d’apporter une information utile aux gens.

Je fais partie d’une équipe d’étudiants internationaux qui ont présenté un « Imagine Project » au 7e Sommet mondial de l’Innovation pour l’éducation à Doha. Nous avons prévu d’exécuter le projet pilote en Haïti (Gonaïves et Poteau). Nous voulons améliorer les pratiques pédagogiques en milieu rural par l’accès à la technologie.

 

10.  Quels conseils pourrais-tu prodiguer à la jeunesse Haïtienne ?

Toujours viser l’excellence. Se préparer pour prendre la relève en reconnaissant nos limites mais en agissant pour les combler. Et, surtout comme me l’a dit Michèle Duvivier Pierre-Louis, une personne que j’admire beaucoup : « Prendre le temps de lire sur Haïti ! Lisez tout ce que vous trouvez! »  Car nous n’arriverons pas à sortir ce pays de ce qu’il est si nous faisons l’erreur de ne pas bien le comprendre. C’est une illusion de croire que même lorsque l’étranger saurait plus que nous, il pourrait changer quelque chose à notre place.